Reportage
Un cri de ralliement unitaire : il est temps de rendre les systèmes de santé plus flexibles et innovants
16 avril 2018
16 avril 201816 avril 2018Sept mois après le lancement du plan de rattrapage en Afrique centrale et occidentale, les progrè
Sept mois après le lancement du plan de rattrapage en Afrique centrale et occidentale, les progrès visant à augmenter le nombre de personnes sous traitement antirétroviral continuent de stagner dans la région. De nombreux pays n’atteindront pas les objectifs ciblés d’ici à 2020 si les systèmes actuels restent inchangés.
« Globalement, nous avons constaté une augmentation de 10 % du nombre de personnes sous traitement, ce qui est insuffisant », a déclaré Michel Sidibé, Directeur exécutif de l’ONUSIDA. « Aujourd’hui, l’urgence est encore plus grande ».
M. Sidibé a tout de même mis en avant la réussite de la République démocratique du Congo, qui a connu une nette hausse du nombre de personnes vivant avec le VIH ayant accès aux médicaments antirétroviraux. Cette tendance positive est imputable notamment à une étroite collaboration entre le leadership politique et la société civile, ainsi qu’au dépistage du VIH à l’échelon communautaire et à la formation de 11 000 agents de santé.
« Plus que jamais, il est indispensable de repenser les systèmes de santé et d’imaginer des alternatives pour l’accès des personnes aux soins », a-t-il ajouté.
L’appel à déléguer les soins des patients aux communautés a été largement relayé lors de l’AFRAVIH, la Conférence internationale francophone de lutte contre le VIH et les hépatites organisée début avril à Bordeaux, en France. Lors de la cérémonie d’ouverture, M. Sidibé a brièvement partagé la scène avec l’organisation de la société civile Coalition PLUS. Ses représentants ont déclaré que la clé du succès pour en finir avec le sida impliquait d’unir les forces entre les médecins et les agents de santé communautaires et de donner davantage de marge de manœuvre aux communautés pour répondre aux besoins locaux de leurs propres populations.
Avec pour mot d’ordre « Démédicaliser », l’organisation a expliqué que les médecins ne seraient jamais remplacés, mais qu’ils étaient trop peu nombreux et que les personnes vivant avec le VIH n’avaient pas besoin de soins intensifs.
Le récent rapport de Coalition Plus affirme que les gouvernements et les médecins devaient déléguer davantage de tâches aux infirmières et aux agents de santé communautaires. En plus de permettre une prévention plus ciblée et un accès plus rapide au traitement, la délégation des actes non médicaux soulagerait des systèmes de santé déjà surchargés. L’Afrique centrale et occidentale représente 17 % de la population totale de personnes vivant avec le VIH, mais 30 % des décès sont dus à des maladies liées au sida dans la région. Selon l’ONUSIDA et ses partenaires, cette région pourrait tirer un vrai bénéfice des modèles de soins communautaires.
Ce qui inquiète Médecins Sans Frontières (MSF), c’est le risque de voir une baisse significative des ressources allouées au traitement nuire aux récentes améliorations en Afrique centrale et occidentale. Cette inquiétude provient du fait que le Fonds mondial estime à 30 % la baisse des dotations de fonds à la région pour 2018-2020, par rapport aux subventions accordées pour la riposte au VIH lors de la période précédente. En 2016, MSF a été parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme concernant le nombre élevé de décès dus au VIH dans la région, et le fait que jusqu’à 80 % des enfants n’ont pas la possibilité d’accéder au traitement antirétroviral. Nathalie Cartier, Conseillère sur la politique concernant le VIH et chargée de la sensibilisation chez MSF, a déclaré que son organisation soutenait le plan de rattrapage pour l’Afrique centrale et occidentale, mais qu’il fallait le mettre en œuvre dans son intégralité. « La volonté politique était prometteuse, mais il est temps maintenant d’en faire une réalité sur le terrain, pour que les personnes vivant avec le VIH puissent en récolter les bénéfices », a-t-elle expliqué.
Le Fond mondial soutient le plan de rattrapage en Afrique de l'Ouest et du Centre et collabore étroitement avec les pays pour maximiser l'impact des ses investissements. Selon eux, la mobilisation de ressources domestiques additionnelles est essentielle pour renforcer les systèmes de santé à long terme et favoriser leur appropriation par les pays.
Une raison de plus pour décentraliser les systèmes de santé et tirer profit des innovations pour maintenir les frais de santé à un faible niveau. L’auto-dépistage du VIH, les nouveaux médicaments et les stratégies à fort impact impliquant les communautés sont des aspects fondamentaux pour améliorer l’efficacité. « Avec le dépistage sur le lieu des soins au sein des communautés et des ménages, le délai est réduit au minimum entre le diagnostic et la mise sous traitement », a expliqué Cheick Tidiane Tall, Directeur du Réseau EVA, un réseau de pédiatres spécialisés dans les soins liés au VIH. « Sur le long terme, cela représente beaucoup de vies sauvées et de ressources économisées », a-t-il ajouté.
Le Professeur Serge Eholié, spécialiste ivoirien des maladies infectieuses et tropicales, ne pouvait pas être plus d’accord avec lui. « Des systèmes de santé flexibles profitant des diverses innovations sont une question de bon sens », a-t-il déclaré. S’adressant au Ministre de la Santé de République centrafricaine, Pierre Somse, il lui a demandé : « Que répondez-vous à cela ? »
M. Somse, lui aussi médecin de formation, lui a fait cette réponse : « Nous autres médecins restons des médecins, mais il est nécessaire que nous nous appuyions sur les communautés, et inversement ». « Les patients sont au cœur de cette question ; ils sont et devraient toujours demeurer notre priorité », a-t-il ajouté.