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VIH et sécurité : passé, présent et futur

07 juin 2016

Si nous ne luttons pas contre le VIH au sein des populations touchées par des conflits, des catastrophes naturelles et des situations d'urgence humanitaire, nous ne verrons pas la fin de l'épidémie de sida d'ici à 2030. Tel est le message fort des personnalités qui ont participé à une grande manifestation parallèle organisée en marge de la Réunion de haut niveau de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la fin du sida qui s'est tenue à New York, aux États-Unis, du 8 au 10 juin.

Intitulé « VIH et sécurité : passé, présent et futur », l'événement était animé par la journaliste Colette Braeckman, entourée d'un panel d'éminents experts. Il était organisé par l'ONUSIDA et le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, en présence du Directeur exécutif de l'ONUSIDA, Michel Sidibé.

Plantant le décor, M. Sidibé a souligné que sur les 314 millions de personnes concernées par des situations d'urgence humanitaire et des conflits en 2013, près de 1,7 million vivaient avec le VIH. Selon lui, il est indispensable de ne pas oublier dans la riposte au VIH les personnes en général et celles vivant avec le VIH qui sont vulnérables aux violations des droits de l'Homme et à l'exploitation sexuelle.

Les participants ont examiné précisément comment et pourquoi les personnes pouvaient devenir plus vulnérables au VIH dans les situations d'urgence et de conflit. Les femmes et les filles sont particulièrement exposées au risque d'agression et de violence au quotidien, y compris dans les camps et les villages où elles se réfugient. L'accès aux services de prévention et de traitement du VIH peut être interrompu et les réseaux et comportements sociaux traditionnels sont souvent réduits à néant en temps de crise, augmentant ainsi la vulnérabilité des femmes et des filles aux violences sexuelles et au VIH. Les membres des populations clés et les jeunes peuvent aussi être exposés au VIH en raison d'un comportement à plus haut risque dans les situations d'urgence et de conflit.

Les participants ont insisté sur la nécessité d'une attention urgente renouvelée envers le VIH, la sécurité et les violences sexuelles dans les situations de conflit, en rappelant l'adoption de la résolution 1983 du Conseil de sécurité des Nations Unies cinq ans auparavant. Le VIH et la sécurité sont une tâche inachevée qui requiert l'attention immédiate du Conseil de sécurité. Les participants ont appelé à l'élimination urgente de toutes les formes d'abus et d'exploitation sexuels dans le cadre des missions de maintien de la paix de l'ONU, à une responsabilité accrue en cas d'abus et à une prise en charge complète des victimes. Les missions des Nations Unies et les pays qui y contribuent avec leurs forces armées ont un devoir de protection vis-à-vis des communautés qu'ils servent. Mettre en avant ce devoir nécessite un changement culturel dans les institutions militaires et les forces de sécurité.

À l'avenir, les ripostes nationales devront élargir les informations stratégiques concernant les moteurs du risque de VIH et de la vulnérabilité dans les crises humanitaires, afin de pouvoir cibler les ressources plus efficacement. Les participants ont fait valoir que des programmes bien coordonnés de lutte contre le VIH devaient être régulièrement incorporés dans tous les programmes de préparation aux situations d'urgence et d'après conflit et de riposte humanitaire, en faisant de la coopération transfrontalière et régionale une priorité. En outre, les personnes vivant avec le VIH et celles issues des populations clés doivent être impliquées dans l'élaboration des politiques et des plans en lien avec la continuité du traitement et de l'accès aux services anti-VIH. Ils ont souligné que les opérations de maintien de la paix devaient aussi jouer un rôle clé dans la riposte au VIH dans de telles situations et contribuer à lutter contre les facteurs de risque du VIH.

L'une des recommandations fondamentales mises en avant a été la nécessité de mettre en place des plans pour gérer l'impact potentiel des conflits et des urgences avant que de telles situations ne se produisent. Aider à bâtir la résilience d'une communauté face aux éventuels traumatismes pour en atténuer les effets est essentiel.

Autre aspect crucial, des financements flexibles et suffisants à long terme doivent être identifiés pour répondre aux besoins des adolescents et des jeunes femmes en matière de santé sexuelle et reproductive dans les situations d'urgence et de fragilité humanitaire. Sans une réponse humanitaire renforcée avec des ressources suffisantes, le monde ne pourra pas atteindre le nombre croissant de personnes déplacées, touchées par des conflits et victimes de violences, et nous ne pourrons pas en finir avec le sida d'ici à 2030.

Déclarations

« Les crises humanitaires exacerbent l'épidémie de VIH. Des millions de personnes sont laissées de côté, les vulnérabilités s'accroissent, le viol est utilisé comme une arme de guerre et la violence conduit à de nouvelles infections. Les services sont interrompus, les personnes sont déracinées, leur accès à la prévention et au traitement anti-VIH s'en trouve affecté. »

Michel Sidibé Directeur exécutif de l’ONUSIDA

« Les personnes les plus touchées par les situations de conflit et d'urgence humanitaire doivent façonner les programmes. Ce sont plus que des « partenaires opérationnels ». Les cantonner à ce rôle est une opportunité manquée. »

IIwad Elman Directrice des programmes et du développement, Centre Elman pour la paix et les droits de l'Homme

« Nous devons en faire beaucoup plus et nous devons le faire mieux si nous voulons répondre aux besoins des femmes et des enfants en situation de fragilité. Nous pouvons mettre fin à cette horreur, mais pas si nous persistons dans nos approches classiques. »

Princesse Sarah Zeid de Jordanie

« Il existe des différences criantes entre les normes internationales et les lois nationales qui banalisent les traumatismes subis par les femmes ou assimilent l'adultère et d'autres actes à un crime. Les femmes recherchent la justice dans son intégralité : services, réparation et dédommagement, et pas uniquement comme punition pour les coupables. Nous devons changer la culture de la sécurité, des institutions militaires et des institutions judiciaires. Avec les réparations structurelles, les dividendes de la paix et de la justice profitent à tous. »

Zainab Hawa Bangura Sous-secrétaire générale et Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit

« Nous devons proposer une formation préalable au déploiement adéquate concernant le VIH et les programmes de lutte contre le VIH aux personnels engagés dans les missions de maintien de la paix dans les zones de conflit. »

Catherine Samba-Panza Ancienne Présidente de la République centrafricaine