Reportage
Vietnam : L'apprentissage Sud-Sud aide à préparer un accès durable au traitement contre le sida
16 mai 2013
16 mai 201316 mai 2013M. Dong, un homme de 37 ans habitant Hanoï, vit avec le VIH depuis plusieurs années. Il est en bonne santé grâce au traitement antirétroviral fournit gratuitement au Vietnam et est un membre important du Réseau des personnes vivant avec le VIH au Vietnam (VNP+).
Toutefois M. Dong, comme beaucoup de ses collègues au sein du Réseau, est inquiet. Il sait que les bailleurs de fonds qui assurent le financement de quasiment tous les programmes de traitement de lutte contre le VIH en place au Vietnam vont bientôt se retirer. Qui financera ses médicaments antirétroviraux à l'avenir ?
« Le traitement antirétroviral de première intention dont je bénéficie actuellement coûte environ 98 dollars par personne par an. Il se compose de médicaments génériques importés », explique M. Dong. « Je pourrais me le payer aujourd'hui si ce traitement n'était plus gratuit. Mais je ne sais pas jusqu'à quand je serai en bonne santé et je pourrai garder mon travail, alors qu'un traitement antirétroviral se prend à vie. De plus, il est évident que le coût du traitement sera nettement supérieur si je dois passer à un traitement de seconde intention ou acheter des médicaments non génériques », précise-t-il.
Fin 2012, le Vietnam fournissait un traitement antirétroviral à près de 60 % des personnes qui en avaient besoin, selon l'Administration vietnamienne du contrôle du VIH/sida (VAAC). Néanmoins, 97 % des fonds destinés aux médicaments antirétroviraux proviennent de financements externes, qui devraient baisser significativement après 2015.
Cette baisse est due au fait que le Vietnam a récemment atteint le statut de pays à revenu intermédiaire et est également liée à la crise économique prolongée dans les pays donateurs. Le Gouvernement du Vietnam augmente le budget national alloué à la riposte au VIH, mais nettement moins vite que la baisse prévue du soutien des bailleurs de fonds. Les projections actuelles concernant le financement requis pour acheter des médicaments antirétroviraux pour tous ceux qui en ont besoin indiquent qu'un écart non négligeable sera constaté dès 2016.
Nguyen Xuan Phuc, Vice-premier ministre, a appelé la VAAC à proposer des solutions pour cette crise financière potentielle, et la VAAC a lancé le développement d'un « Plan national visant à assurer la fourniture durable des traitements antirétroviraux après 2015 », en collaboration avec ses partenaires de développement, dont l'ONUSIDA.
L'apprentissage Sud-Sud et le leadership politique sont essentiels
La collecte de preuves et de bonnes pratiques dans les autres pays de la région a été identifiée par la VAAC comme étant fondamentale pour l'élaboration éclairée du plan. En avril 2013, l'ONUSIDA a soutenu la visite d'étude d'une délégation gouvernementale multisectorielle en Thaïlande.
Cette délégation a pu découvrir la manière dont la Thaïlande, en tant que pays à revenu intermédiaire, assure un accès universel aux médicaments antirétroviraux et propose gratuitement tous les tests liés au VIH, avec le financement du budget de l'État et l'intervention des régimes nationaux d'assurance santé afin de couvrir tous ceux qui en ont besoin. Elle a également vu que la Thaïlande a émis des licences obligatoires pour deux types de traitements antirétroviraux et a centralisé la gestion de la chaîne d'approvisionnement et de fourniture de ces traitements, afin de réduire les coûts au maximum tout en assurant l'accès de la population à des médicaments de première et de seconde intention de qualité optimale.
Nous avons appris que la Thaïlande avait bataillé ferme pour mettre en place une couverture universelle des soins de santé pour l'ensemble de sa population et apporter un traitement antirétroviral à tous ceux qui en ont besoin, et avons constaté qu'elle s'était retrouvée confrontée à de nombreux défis
Dr Chu Quoc An, Chef de la délégation du Vietnam
« Nous avons appris que la Thaïlande avait bataillé ferme pour mettre en place une couverture universelle des soins de santé pour l'ensemble de sa population et apporter un traitement antirétroviral à tous ceux qui en ont besoin, et avons constaté qu'elle s'était retrouvée confrontée à de nombreux défis », précise Chu Quoc An, Chef de la délégation vietnamienne. « Toutefois, la leçon la plus importante est qu'un leadership politique fort aux niveaux les plus élevés a été la principale clé du succès du Vietnam. »
Une perspective positive
Les délégués ont convenu qu'un leadership affirmé, une grande détermination et une coordination multisectorielle poussée seront fondamentaux pour que le Vietnam arrive à adapter et à adopter les enseignements tirés de l'exemple de la Thaïlande. Comme cette visite d'étude l'a démontré, un délai suffisant est aussi nécessaire pour que les plans puissent porter tous leurs fruits.
« Je pense que le Vietnam peut y arriver », affirme Steve Kraus, Directeur régional de l'ONUSIDA pour l'Asie et le Pacifique. « Nous constatons que le pays accélère ses progrès par rapport à ses objectifs nationaux et à ses engagements internationaux en matière de traitement du VIH. Nous pouvons voir que la détermination est bien là. L'ONUSIDA s'engage à continuer à soutenir cette coopération Sud-Sud, et à aider le Vietnam dans sa quête visant à assurer un traitement à vie pour tous ceux qui en ont besoin. »
Pour M. Dong, les avancées en faveur d'un plan durable pour le traitement sont encourageantes mais une action concertée est fondamentale. « Je suis très enthousiaste lorsque je découvre les progrès accomplis par la VAAC dans le développement d'un plan sur la durabilité des traitements antirétroviraux et l'engagement de nombreux secteurs », déclare-t-il. « J'espère que l'Assemblée nationale et les leaders du Gouvernement accorderont plus d'attention à cette question, de telle sorte que ce plan puisse rapidement devenir une réalité, pour le bien des personnes qui vivent avec le VIH et de la communauté au sens large. »