Reportage
Assurer l’autonomie des consommateurs et consommatrices de drogues injectables en Ouganda
18 janvier 2022
18 janvier 202218 janvier 2022Les difficultés causées par la pandémie de COVID-19 ont aggravé les difficultés rencontrées par l
Les difficultés causées par la pandémie de COVID-19 ont aggravé les difficultés rencontrées par les toxicomanes.
En Ouganda, les confinements liés à la COVID-19 ont entravé l’accès au traitement anti-VIH et à d’autres services de santé, y compris à la thérapie médicalement assistée destinée aux toxicomanes, à savoir la fourniture de doses quotidiennes de méthadone. L’accès aux systèmes d’assistance, tels que les centres d’accueil, a également été touché.
« Pendant le confinement dû à la COVID-19, j’ai eu beaucoup de mal à accéder à la dose quotidienne de ma thérapie médicalement assistée à cause des restrictions de déplacement, car il fallait une autorisation du conseil local. Toutefois, c’était très compliqué et très long d’obtenir cette autorisation de déplacement du conseil local, par conséquent cela a été difficile de vivre sans accéder à ces services essentiels », a déclaré Nsereko Joshua (nous avons changé son nom) qui suit actuellement une thérapie médicalement assistée.
Une analyse des répercussions de la pandémie de COVID-19 menée en juillet 2020 par l’Uganda Harm Reduction Network (UHRN) a révélé un recul de l’accès aux préservatifs, à la prophylaxie pré-exposition, aux conseils, à l’assistance psychosociale, au dépistage du VIH, aux services de santé sexuelle et reproductive, ainsi qu’à l’assistance juridique. Cette étude a également souligné une augmentation de 25 % des violations des droits humains signalées chez les consommateurs et consommatrices de drogues injectables pendant le confinement lié à la COVID-19. L’analyse indique entre autres que les arrestations et les détentions, les violences basées sur le genre et les expulsions nocturnes par la police se sont multipliées.
Lorsque le Fonds de solidarité de l’ONUSIDA pour les populations clés a été dévoilé en décembre 2020, Wamala Twaibu, fondateur et président de l’Eastern Africa Harm Reduction Network et de l’UHRN, a vu une opportunité d’autonomiser les consommateurs et consommatrices de drogues injectables. Il a imaginé une transformation de la communauté qui permettrait à ses membres de s’entraider en cas de besoin en gérant leurs propres sources de revenus.
« Cela faisait plus de sept ans que je consommais des drogues injectables et je sais à quoi ressemble le quotidien de toxicomanes. Mon ambition est d’améliorer la santé, les droits humains et le bien-être socioéconomique des toxicomanes », a-t-il déclaré.
M. Twaibu a noté que la consommation de drogues injectables et la dépendance à la drogue ont souvent des impacts à long terme sur le statut socioéconomique et la santé d’une personne. Le manque de compétences professionnelles, les antécédents criminels, la stigmatisation et la discrimination, ainsi que la criminalisation de l’usage de drogues sont quelques-uns des principaux problèmes qu'affrontent régulièrement les consommateurs et consommatrices de drogues injectables.
L’UHRN a demandé et a obtenu en 2021 une subvention du Fonds de solidarité de l’ONUSIDA afin de lancer le projet Empowered PWID Initiative for Transformation (EPIT). Grâce à l’EPIT, les membres de la communauté qui suivent actuellement une thérapie médicalement assistée développeront des compétences en artisanat afin d’avoir une source de subsistance pérenne. M. Twaibu a souligné que le projet reposera sur la transmission de connaissances et de compétences en gestion d’une petite entreprise aux consommateurs et consommatrices de drogues injectables.
Environ 80 personnes sous thérapie médicalement assistée seront impliquées dans l’EPIT, elles seront réparties en 16 groupes de cinq et six groupes au moins seront dirigés par une femme dans les cinq arrondissements de Kampala.
Une approche « Save, take and return » sera utilisée pour garantir la pérennité de cette initiative. Cette stratégie encourage les bénéficiaires à épargner chaque jour une partie des bénéfices générés par les entreprises sociales avant de récupérer cet argent quelques mois plus tard.
« Ce fonds s’intéresse à l’émancipation socioéconomique des populations clés sous l’égide de la communauté touchée. C’est ce qui fait tout son intérêt. Il est important que la communauté détienne la mainmise sur l’initiative, car il ne faut rien faire pour nous sans nous impliquer », a déclaré M. Twaibu. « Le changement est possible lorsque nous nous entraidons sans discrimination ni stigmatisation. Je souhaite voir une communauté de consommateurs et consommatrices de drogues injectables transformée et responsabilisée, [avec ses membres] capables de se soutenir mutuellement en cas de besoin », a-t-il ajouté.
Compte tenu des effets de la pandémie de COVID-19 jusqu’à aujourd’hui, M. Twaibu a peur que la prochaine vague n’affecte l’initiative. Il prévoit toutefois un programme d’artisanat totalement prêt et fonctionnel dans les cinq arrondissements de Kampala et un déploiement dans d’autres régions où travaille l’UHRN.
Maintenant qu’il fait partie du projet EPIT, M. Joshua aborde l’avenir avec plus d’optimisme. « J’ai hâte de guérir complètement de la toxicomanie et je pense que la thérapie médicalement assistée me permettra d’y arriver », a-t-il déclaré. « Et je pense que le programme EPIT me donnera l’occasion de renforcer ma motivation et de démontrer que je prends ma guérison au sérieux avec la possibilité de gagner quelque chose pour ma subsistance et pour le transport afin de chercher mon traitement. Je pense que même après ce programme, ces compétences m’aideront à soutenir ma famille et moi-même. »