Reportage
La République centrafricaine adopte un plan pour lutter contre les inégalités entre les sexes dans la riposte au sida
08 septembre 2021
08 septembre 202108 septembre 2021Alida Nguimale est une survivante.
Alida Nguimale est une survivante. Elle est séropositive depuis 21 ans et vit en République centrafricaine. Il y a une dizaine d’années, elle a perdu deux enfants des suites de maladies opportunistes. À l’époque, elle ne savait pas qu’elle vivait avec le VIH, et la thérapie antirétrovirale vitale ainsi que les médicaments destinés à prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant étaient rares en République centrafricaine.
S’exprimant lors de la cérémonie d’ouverture d’une rencontre de travail nationale sur le VIH et le genre coorganisée dans la capitale centrafricaine Bangui par le ministère de la Promotion de la femme, le ministère de la Santé, le Conseil national sur le sida et l’ONUSIDA les 30 et 31 août, Mme Nguimale a expliqué comment elle a été expulsée de son domicile par son partenaire violent qui l’a accusée de faire entrer le VIH dans leur foyer. Elle a également évoqué s’être sentie démunie face au déni et à la violence de son partenaire qui avait refusé d’accepter son propre diagnostic positif au VIH.
L’histoire de Mme Nguimale illustre la vulnérabilité au VIH à laquelle sont exposées les femmes en République centrafricaine et les obstacles auxquels elles sont confrontées pour accéder aux services de santé. En 2019, plus de 56 % de toutes les nouvelles infections au VIH dans le pays concernaient des femmes et des filles, et 60 % des personnes séropositives dans le pays sont des femmes. D’après les données de l’enquête MICS-6 publiée en 2021 par le gouvernement avec le soutien des Nations Unies, 23,6 % des femmes et des filles âgées de 15 à 49 ans ont été mariées ou ont conclu une union maritale avant leurs 15 ans. Plus de 21 % des femmes d’Afrique centrale ont subi une mutilation génitale féminine. Durant le seul mois de janvier 2021, 340 cas de violences sexistes, dont 72 viols, ont été recensés par le système de gestion des informations sur la violence sexiste en République centrafricaine.
« La vulnérabilité au VIH des femmes et des filles en République centrafricaine est la conséquence d’une insécurité, de violences et de crises humanitaires endémiques associées à des formes de masculinité toxiques et à des normes sociales néfastes. La pandémie de sida ne pourra pas prendre fin sans renouveler les efforts et la reddition de compte pour mettre fin à ce déluge de violences sexistes et à la marginalisation sociale des femmes », a déclaré Denise Brown, représentante spéciale adjointe du Secrétaire général des Nations Unies en République centrafricaine, coordonnatrice humanitaire et coordonnatrice résidente des Nations Unies.
Pour la première fois, le gouvernement de République centrafricaine, avec le soutien de l’ONUSIDA, a mené une évaluation approfondie de l’épidémie de VIH et de la riposte dans le pays sous l’aspect du genre. Le rapport a été discuté et adopté lors de la rencontre de travail nationale sur le genre et le VIH. Ce document a mis en lumière que les femmes, les filles et les populations clés sont laissées de côté dans les récents progrès réalisés contre le VIH dans le pays. La prévalence du VIH est la plus élevée parmi les travailleuses et travailleurs du sexe (15 %), et les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (6,4 %), par rapport à 3,6 % parmi la population générale. Le faible accès aux services de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant reste également inquiétant, avec moins de 25 % des femmes ayant recours à ces services dans trois des sept zones de santé du pays.
« Le rapport d’évaluation du genre révèle un angle mort au sein de notre riposte. Nous devons recentrer nos efforts sur les interventions transformatives qui fonctionnent pour les femmes, les filles et les populations clés », a déclaré le ministre centrafricain de la Santé, Pierre Somse.
En s’appuyant sur les recommandations de l’évaluation sur le genre, les participantes et participants à la réunion ont développé et adopté un plan d’action pour mettre en œuvre des mesures clés en 2021-2023. Le plan d’action comprend une combinaison d’interventions structurelles, biomédicales et comportementales en vue de promouvoir l’éducation et la sensibilisation sur les questions du genre, de lutter contre les obstacles juridiques, sociaux et culturels à l’accès aux services de lutte contre le VIH par les femmes, les filles et les populations clés, de mettre en œuvre des modèles de soins différenciés qui favorisent l’accès aux services de santé, sociaux et psychosociaux pour les femmes, y compris pour la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant et de garantir la reddition de compte pour les progrès accomplis dans les domaines du genre, du VIH et de la tuberculose. La ministre de la Promotion de la femme, Marguerite Ramadan, a souligné que le rapport d’évaluation et le plan opérationnel qui en découle sont essentiels pour mettre en œuvre la vision de l’égalité énoncée dans la Déclaration politique des Nations Unies sur le sida 2021
Exprimant sa satisfaction après l’adoption du plan opérationnel, le directeur pays de l’ONUSIDA pour la République centrafricaine, Patrick Eba, a déclaré : « L’ONUSIDA donne le meilleur d’elle-même lorsqu’elle réunit le gouvernement, la société civile, les partenaires de développement et d’autres acteurs pour évaluer sans complaisance la riposte nationale au VIH et formuler un agenda collectif d’action. Il n’y a pas de meilleure façon de défendre les droits de millions de femmes comme Mme Nguimale qui revendiquent dignité, justice et santé. »