Reportage

Financement de la riposte au sida et réforme des systèmes de santé en Afrique occidentale et centrale

02 novembre 2021

Lors du Sommet d’Afrique occidentale et centrale sur le VIH tenu à Dakar, plusieurs partenaires et ministres du monde entier ont discuté de l’urgence du financement de la santé dans la région, d’autant plus que la situation s’est aggravée par la crise économique due à la COVID-19. Dans la région, le financement des ripostes au VIH est confronté à un cocktail détonant : en 2020, les ressources disponibles pour la lutte contre le VIH ne représentaient en effet que les trois quarts environ du montant nécessaire. En outre, les ressources totales consacrées au VIH dans la région ont reculé de 11 % au cours de la dernière décennie. Alors que le PEPFAR et le Fonds mondial ont augmenté leurs engagements envers la région, les ressources nationales ont ralenti depuis 2018 et ont considérablement baissé en 2020.

L’épidémie de COVID-19 n’a pas aidé ici. La plupart des gouvernements africains ont cependant réagi au choc économique en augmentant les dépenses gouvernementales l’année dernière, mais le ralentissement économique et la baisse de recettes liés à la pandémie engendrent des déficits importants et des dettes hors de contrôle dans beaucoup de pays.

La Directrice exécutive de l’ONUSIDA, Winnie Byanyima, a souligné l’importance de se concentrer sur ces défis en repensant et en réformant les systèmes de santé dans leur ensemble. Tout comme d’autres participantes et participants, elle a encouragé les pays à utiliser plus efficacement des fonds qui se raréfient et à veiller à ce que des ressources supplémentaires soient consacrées à la santé. « Une population en bonne santé est synonyme d’une économie saine », a-t-elle déclaré.  Elle a également appelé à accorder de toute urgence plus de latitude aux services dirigés par les communautés.

« Nous devons financer correctement l’infrastructure et la riposte communautaires afin qu’elles soient intégrées étroitement aux systèmes de santé officiels. C’est essentiel alors que nous réfléchissons à la préparation et à la lutte contre les pandémies à venir », a déclaré Mme Byanyima.

Mamadi Yilla, coordonnatrice adjointe des relations multisectorielles du PEPFAR, est tout à fait d’accord. « La COVID-19 a joué le rôle de catalyseur et le monde entier a reconnu le rôle de la société civile dans la fourniture de services aux personnes », a-t-elle déclaré. Précisant que le PEPFAR a investi des milliards en Afrique depuis 2003, elle a déclaré que les partenariats devaient être réinventés et a encouragé les gouvernements à travailler main dans la main avec la société civile et à déployer des fonds de manière ciblée.

« Nous devons nous fixer pour objectif que chaque dollar compte », a déclaré Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial, « la COVID-19 a bien révélé l’évidence : investir dans la santé est pertinent ». Et d’ajouter : « Il est important que les ministres des Finances et de l’Économie fassent partie de la riposte, car les ministres de la Santé ne seront pas en mesure de résoudre ce problème sans aide. »

Conscient de la nécessité d’augmenter les dépenses nationales en matière de santé, le ministre sénégalais de l’Économie, du Plan et de la Coopération internationale, Amadou Hott, a noté que le ralentissement économique actuel limite la capacité des pays à investir davantage de ressources dans le secteur. Faisant écho à Mme Byanyima, il a déclaré que des ressources supplémentaires devaient être tirées de l’annulation de la dette, de mécanismes de financement internationaux supplémentaires tels que l’augmentation de la liquidité internationale (Droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI) et de la lutte contre l’évasion fiscale afin d’augmenter les revenus fiscaux des pays.

Austin Demby, ministre de la Santé de Sierra Leone, a déclaré que l’affectation de ressources spécifiques à des maladies ne suffisait pas à construire des systèmes de santé pérennes. Il a évoqué ici l’exemple d’une épidémie récente de rougeole dans son pays, qui l’a forcé à accorder immédiatement des financements pour la contenir. « Nous devons créer des plateformes plus larges pour être plus flexibles », a-t-il déclaré. « Il faut s’assurer que certains systèmes liés à l’engagement communautaire et aux services utilisés quotidiennement pour le VIH, la tuberculose et le paludisme peuvent être utilisés pour d’autres maladies. »

De plus, le financement ne doit pas être associé à des partenaires opérationnels spécifiques. Pour réussir à transformer les systèmes de santé, les deux ministres ont souligné avoir besoin d’une plus grande marge de manœuvre pour mettre en place des modèles reposant uniquement sur des ressources nationales, ce qui n’était pas le cas actuellement.

Enfin, le changement climatique doit être pris en compte, car il a un impact sur la planète et inévitablement sur le bien-être des gens. Dans la région de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale, durement touchée par la désertification et la sécheresse, la pression sur les systèmes de santé déjà exsangues n’ira qu’en s’aggravant.

« Il est crucial de lier le financement au changement climatique et à la santé, car l’un aura inévitablement un impact sur l’autre et augmentera les vulnérabilités aux pandémies et aux maladies », a déclaré M. Hott dans son allocution de clôture.

Sommet régional sur le VIH