Reportage

Le personnel de santé communautaire est un pilier des ripostes au VIH et à la COVID-19

02 décembre 2021

En 2001, à 33 ans, Micheline Léon s’est sentie mal. Cette mère de trois enfants s’est alors rendue de sa petite ville de Corporand, située au centre de Haïti, à un dispensaire à Cange où on lui a diagnostiqué le VIH et la tuberculose.

Heureusement, trois ans plus tôt, une organisation baptisée Zanmi Lasante (traduction de Partners in Health en Créole haïtien) avait lancé l’initiative HIV Equity. (Zanmi Lasante est une organisation apparentée au groupe de santé à but non lucratif Partners in Health implanté aux États-Unis.) Il s’agissait de l’un des premiers projets au monde à véritablement proposer une thérapie antirétrovirale dans des régions rurales pauvres.

Vingt ans plus tard, Mme Léon fait partie des 2 000 personnes appelées les « accompagnateurs » communautaires de santé du réseau Zanmi Lasante. Des équipes pluridisciplinaires font le lien entre les patients et les établissements de santé. Elles participent également à toutes les discussions de l’initiative HIV Equity concernant la prise en charge, le traitement et l’appui social des patients et patientes.

Les accompagnateurs et accompagnatrices vivent dans les zones où ils travaillent. Ils veillent à ce que leurs patientes et patients aillent mieux et restent en bonne santé. Ils s’occupent en particulier de la distribution de médicaments et des visites à domicile, et renvoient vers les soins. Ils accompagnent les patients et patientes jusqu’aux cliniques et reviennent vers ceux et celles qui ont manqué un rendez-vous. Au cours de la pandémie de COVID-19, les accompagnateurs ont été essentiels aux efforts de prise en charge et de traitement de Zanmi Lasante. Les compétences en matière de soins à domicile et de suivi des contacts acquises avec le VIH sont maintenant mises à profit pour la COVID-19.

Zanmi Lasante a une approche holistique de la prise en charge. Celle-ci comprend des services sociaux tels que l’hébergement, la nourriture et les transports. Le personnel de santé communautaire aide à coordonner tout le soutien nécessaire. Il sert également la communauté au sens large en organisant des campagnes éducatives sur des sujets tels que la santé mentale et les infections sexuellement transmissibles.

Surtout, les accompagnateurs et accompagnatrices autonomisent et invitent les gens à s’occuper de leur santé. Mme Léon en est l’exemple vivant. Depuis qu’elle a commencé son traitement, elle le suit à la lettre et sa charge virale est indétectable depuis qu’elle a commencé à la faire tester en 2017. Elle possède une petite activité de fruits et de volailles et passe parfois du temps à Port-au-Prince où vit son dernier petit-fils. Elle participe à diverses activités communes sur le site de Zanmi Lasante à Cange : groupes de soutien, cours sur le thème de la charge virale et groupes de mères, par exemple.

« Le soutien psychosocial que j’ai reçu de Zanmi Lasante m’a fait prendre conscience que mon diagnostic n’était pas une condamnation à mort et que je pouvais continuer à vivre une vie saine et épanouie », explique Mme Léon.

Un autre grand programme haïtien de lutte contre le VIH repose sur une approche de santé communautaire. GHESKIO, le Groupement haïtien d’étude du syndrome de Kaposi et des infections opportunistes, a été fondé en 1982, l’année précédant la découverte officielle du VIH. Il s’agit de la plus ancienne organisation de lutte contre le VIH au monde. Elle mène des recherches et fournit des soins cliniques depuis quarante ans.

GHESKIO a su utiliser un modèle communautaire pour aider Haïti à riposter au VIH et à d’autres crises de santé publique. Lorsque la pandémie de COVID-19 est arrivée dans le pays en mars 2020, GHESKIO a renforcé un programme existant (la distribution de traitements antirétroviraux dans la communauté) afin de s’assurer que les clients vivant avec le VIH reçoivent des médicaments pour trois mois de traitement. Dans une petite salle de l’Association nationale de solidarité (ASON), une équipe emballe les médicaments dans des sacs en plastique et consulte la liste des membres. Si une personne n’est pas en mesure de venir chercher ses médicaments, on s’occupe alors de les lui livrer à domicile.

GHESKIO a également renforcé les activités de formation de son personnel de santé communautaire aux compétences variées. Le groupement a ainsi apporté un soutien social aux patients et patientes ainsi que des soins à domicile pour les cas qui ne nécessitaient pas d’hospitalisation.

« Notre unité communautaire a joué un rôle essentiel dans l’acceptation de nouveaux centres de traitement de la COVID-19 dans les bidonvilles surpeuplés et démunis », a déclaré Patrice Joseph, le coordonnateur du programme GHESKIO. « En collaboration avec le Ministère de la Santé, nous avons renforcé le suivi des contacts, l’examen des cas et la gestion de l’épidémie de COVID-19. »

CV, une mère de 35 ans originaire du Village-de-Dieu, un bidonville qui s’étend au sud du Port-au-Prince, est l’une des dernières recrues du personnel communautaire. Elle a elle-même survécu à la COVID-19. Lorsqu’elle a commencé à se sentir mal, un membre de l’équipe communautaire l’a accompagnée pour se faire dépister. Après cinq jours à l’hôpital GHESKIO pour la COVID-19, CV a reçu chez elle des visites d’une équipe communautaire qui venait s’assurer de sa guérison totale.

Elle travaille désormais à l’accueil chez GHESKIO. Elle est également agente de santé communautaire pour GHESKIO et encourage les patients et patientes à honorer leurs rendez-vous. CV soutient la sensibilisation communautaire autour de la prévention de la COVID-19 en promouvant l’hygiène et en expliquant aux gens l’importance de la vaccination contre la COVID-19.

« Pour moi, aucun jour n’est gagné d’avance », a-t-elle déclaré.

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