Reportage

La Maison des Transgenres : un centre communautaire pour les personnes transgenres à Buenos Aires

29 mars 2018

Kimi Avalos est une jeune femme transgenre qui vit à Buenos Aires en Argentine. À cause de la stigmatisation et de la discrimination, elle n’a pas pu continuer ses études et obtenir son diplôme. Elle explique qu’elle a été victime de brimades et de harcèlement ; ses camarades de classe l’insultaient et l’agressaient physiquement, sous l’œil indifférent de ses professeurs. « Je voulais vraiment étudier, mais j’ai dû quitter l’école. Maintenant, grâce à la Maison des Transgenres, mon rêve de terminer mes études deviendra bientôt réalité », explique Mme Avalos.

Mme Avalos fait partie de la trentaine d’étudiants transgenres ayant récemment entamé un nouveau programme éducatif qui leur permet de suivre un cursus pour les diplômes de niveau primaire et secondaire en participant à une combinaison de cours en face à face et virtuels. Ce projet innovant est mis en œuvre au sein de la Maison des Transgenres, un centre communautaire pour la formation et l’autonomisation des personnes transgenres créé en juin 2017 à Buenos Aires par Marcela Romero, Coordonnatrice de l’ATTTA (Association of Argentinian Transvestites, Transsexuals and Transgender), en collaboration avec le Conseil municipal de Buenos Aires.

« Pour créer ce lieu, nous avons dû sortir de l’ombre en tant que personnes transgenres. Le centre est un espace visible, sur l’une des artères principales de Buenos Aires, dans le quartier de San Cristóbal. C’est notre réalisation ; elle montre que nous existons en tant que communauté et que nous avons droit à un espace comme toute autre organisation », explique Mme Romero.

En Argentine, comme dans le reste de l’Amérique latine et des Caraïbes, la stigmatisation et la discrimination nuisent aux opportunités d’apprentissage et de réussite scolaire des personnes transgenres, affectant ainsi leurs futures perspectives d’emploi. La discrimination et la stigmatisation empêchent aussi les personnes transgenres d’accéder à des soins de santé adaptés, y compris les services de prévention du VIH, de protection sociale et de justice.

Dans la région, les personnes transgenres sont souvent victimes de violences physiques et sexuelles et de crimes de haine. Selon les données de l’ATTTA, 20 personnes transgenres ont été tuées en Argentine depuis le début de l’année 2018 et les violences sexistes sont en augmentation. La discrimination, les violences sexistes et l’exclusion contribuent aussi à la hausse de la vulnérabilité des personnes transgenres au VIH. Les femmes transgenres restent lourdement touchées par le VIH.

La Maison des Transgenres a été créée dans le but de fournir un espace sécurisé où les personnes transgenres peuvent acquérir de l’autonomie, des connaissances et des compétences sans crainte de discrimination, de rejet ou d’agression. Elle travaille en partenariat avec les agences gouvernementales, la société civile et le secteur privé pour fournir une large variété de services et de programmes basés sur les besoins spécifiques des personnes transgenres.


DANS LA MÊME SÉRIE

Paroles d’activistes pour les droits des personnes transgenres


Entre autres initiatives, la Maison des Transgenres a mis en place des services intégrés de conseil et d’orientation professionnelle pour la recherche d’emploi, ainsi que des conseils juridiques dispensés par des avocats, disponibles 24 heures sur 24. En collaboration avec le Ministère de l’Éducation, la Maison des Transgenres a récemment lancé des projets éducatifs qui vont de la mise en œuvre de programmes scolaires de niveau primaire et secondaire à la formation professionnelle, par exemple dans les services aux personnes âgées.

Parmi les autres activités notables, on retrouve la promotion de la prévention du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles, du dépistage du VIH et des campagnes de vaccination. La Maison des Transgenres propose également une assistance psychologique permanente et, dans le cadre d’un partenariat avec l’Hôpital Fernández, des services de conseil sur les traitements hormonaux. En outre, l’organisation est engagée dans des actions de proximité avec une équipe d’agents de santé communautaires qui rendent visite aux professionnel(le)s du sexe sur leur lieu de travail le soir et distribuent des préservatifs et des documents d’information sur la prévention du VIH.

Bien que la Maison des Transgenres rencontre aujourd’hui le succès et fasse figure de référence pour les personnes transgenres à Buenos Aires, avec de multiples partenariats au sein de la ville, les choses n’ont pas été faciles pour en arriver là. Mme Romero explique qu’elle avait sollicité le Conseil municipal de Buenos Aires pour la première fois huit ans auparavant, pour obtenir un lieu où les personnes transgenres pourraient se retrouver. Ce n’est qu’il y a deux ans que le Conseil a fini par approuver la rénovation et le réaménagement de l’un de ses bâtiments, et que la Maison des Transgenres est devenue une réalité avec l’aide d’un architecte et de la vision de la Coordonnatrice de l’ATTTA.

« La Maison des Transgenres représente une pratique optimale de prestation de services communautaires qui contribue à l’accomplissement des objectifs de la stratégie Accélérer, en ne laissant personne pour compte », explique Carlos Passarelli, Directeur national de l’ONUSIDA pour l’Argentine, le Chili, l’Uruguay et le Paraguay.

Près de 400 personnes visitent la Maison des Transgenres chaque mois pour bénéficier de conseils et d’informations et environ 600 personnes y participent régulièrement à des ateliers, des réunions de groupe et des cours. « Je suis très heureuse et très reconnaissante de l’opportunité qui m’a été offerte par la Maison des Transgenres. J’espère que ce modèle de respect et de promotion des droits de l’homme servira d’exemple pour transformer et changer la société, de manière à ce que nous puissions tous vivre dans la dignité », conclut Mme Avalos.