Reportage
Les groupes communautaires contre la stigmatisation dans les établissements de santé en Asie
26 mai 2017
26 mai 201726 mai 2017Souriante, Dy Sokha salue amicalement les médecins, les infirmières et les patients alors qu’elle
Souriante, Dy Sokha salue amicalement les médecins, les infirmières et les patients alors qu’elle traverse les couloirs animés de l’Hôpital de l’Amitié Khméro-Soviétique de Phnom Penh, au Cambodge. Vêtue d’un joli chemisier rose pêche, elle est conseillère à plein temps auprès de l’Association des utilisateurs de médicaments antirétroviraux, l’AUA, une organisation communautaire qui propose des services aux personnes vivant avec le VIH.
« Parfois, au début d’une séance de conseil, le patient n’ose pas me regarder en face », explique Dy Sokha. « Les gens baissent la tête, rongent leurs ongles. Ils sont si timides. Dans les cas difficiles, je suis obligée de m’ouvrir en parlant de ma propre expérience ».
Dy Sokha a été diagnostiquée séropositive au VIH il y a environ 20 ans et elle a commencé à prendre des médicaments antirétroviraux en 2004. Le traitement anti-VIH lui a permis d’être en bien meilleure santé et lui donne aujourd’hui la force de mener une vie active en tant que conseillère.
« Je suis devenue un exemple à suivre pour mes clients, car ils voient que j’ai réussi et ils comprennent que ce n’est pas parce qu’on a le VIH qu’on doit disparaître de la société », explique-t-elle.
L’AUA est présente dans sept hôpitaux de deux provinces ; c’est l’une des rares organisations communautaires sur le VIH du Cambodge dont les membres travaillent directement aux côtés des prestataires de soins de santé. Bien que l’organisation propose toute une palette de services, comme le conseil sur l’observance du traitement et la prévention du VIH, elle cible particulièrement la prévention de la stigmatisation et de la discrimination au sein des hôpitaux dans lesquels elle intervient.
Quatre-vingt-cinq pour cent des 40 membres du personnel de l’AUA sont des personnes vivant avec le VIH, et ils sont donc bien placés pour savoir à quel point la discrimination peut mener à l’isolement social et avoir un effet néfaste sur la santé et le bien-être d’une personne. Le groupe facilite la mise en relation entre les clients et les prestataires de santé et organise régulièrement des rencontres avec le personnel hospitalier pour recueillir des commentaires.
« Nous agissons en coordination avec différentes parties prenantes pour rencontrer les personnes vivant avec le VIH, les prestataires de services et la société civile et encourager la communication entre ces différents protagonistes », explique Sienghorn Han, Directeur exécutif de l’AUA.
En 2015, l’AUA a suivi une formation d’Asia Catalyst pour la documentation des violations des droits de l’homme dans les établissements de santé. Cette coopération s’inscrivait dans le cadre d’une étude menée par Asia Catalyst dans quatre pays d’Asie, qui a mis en évidence l’existence de discriminations dans de nombreux domaines, allant du déni de service à la ségrégation, en passant par des frais supplémentaires arbitraires pour les services de santé.
Lorsque l’AUA reçoit un dossier de discrimination, elle joue le rôle de médiateur et tente de trouver une solution acceptable à la fois pour les agents de santé et les patients.
« Nous gardons de bons contacts à tous les niveaux de l’hôpital », explique Dy Sokha. « Le personnel et moi nous nous asseyons autour d’une table, avec le médecin, le patient et moi-même, pour comprendre le problème afin d’aider le médecin à faire de son mieux ».
L’AUA organise également des séances de conseil avec les patients dont le but est de leur fournir des informations précises, ainsi que de leur donner les moyens de défendre leurs droits et de négocier avec les prestataires de santé.
Bopha, qui préfère utiliser un pseudonyme, vit avec le VIH et raconte que l’AUA l’a beaucoup aidée quand elle est tombée enceinte en 2013. « L’AUA m’a tout expliqué, notamment comment suivre ma grossesse et informer mon médecin de ma séropositivité au VIH, de manière à pouvoir accéder aux médicaments antirétroviraux pour prévenir la transmission du VIH à ma fille », explique-t-elle.
Les responsables de la santé du Cambodge reconnaissent que l’AUA fournit des services qui aident les agents de santé très occupés. Ngauv Bora, Chef adjoint du Bureau technique du Centre national pour le VIH/sida, la dermatologie et les MST, explique : « Pour les patients, les membres de l’AUA sont comme des amis et ils leur font plus confiance qu’aux conseillers de l’hôpital. L’AUA contribue à créer un environnement propice ».
L’organisation compte parmi plus d’une douzaine de groupes communautaires qui, aux côtés des responsables de la santé et des experts internationaux de 12 pays, ont participé à la première Consultation régionale asiatique sur la lutte contre la stigmatisation et la discrimination liées au VIH dans le domaine de la santé, qui s’est déroulée les 25 et 26 mai à Bangkok, en Thaïlande.
Cette consultation régionale a servi de plate-forme pour les pays qui veulent atteindre des objectifs tangibles avec l’aide technique de partenaires. Les organisations communautaires ont été reconnues comme des partenaires essentiels dans la lutte pour l’élimination de la stigmatisation et la discrimination.
L’ONUSIDA travaille avec les pays pour donner aux personnes vivant avec le VIH, exposées au risque et touchées par le virus les moyens de connaître leurs droits et d’accéder aux services judiciaires et juridiques afin de prévenir et de lutter contre les violations des droits de l’homme.